Voici les articles  du Bulletin N°3 de l'association.
Deuxiéme trimestre 1999
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SOMMAIRE DU N°3


Editorial   Gérard LABONNE             Traduction : D.M. 


CRETE D'AUJOURD'HUI


CRETE D'AUTREFOIS


 
Editorial:

 
Edito                  Mars 99  
Depuis sa création, notre site Internet connaissait, chaque lundi, un record de visite avec un sommet le 22 mars. Ce jour là, 94 femmes et hommes de cette planète nous sollicitaient pour connaître nos suggestions, nos coups de cœur ; 94 amateurs de voyages et d’aventures voulaient assumer leur passion. 

Le 24 mars, près de chez nous, en Europe, le printemps a fait place à l’hiver ; c’est la guerre, et la guerre abolit les saisons, elle abolit la raison, elle abolit les questions. 

Depuis les voyageurs freinent leurs projets ; les craintes, les peurs et l’ignorance parfois, réapparaissent. 

Ah mes amis, proches ou lointains, vous qui êtes épris de culture et quoique nous pensions les uns et les autres, je sais qu’un souci commun nous obsède : notre siècle qui est né et se termine dans le sang aura-t-il autant de rayonnement que celui de Minos ? Les héros d’aujourd’hui feront-ils rêver comme le font toujours Thésée et Europe ? Quel héritage allons nous laisser aux générations futures ? 

Au delà des choix stratégiques et politiques des protagonistes, n’avons nous pas d’autre issue que la guerre pour régler nos différents ? Tu le sais bien toi, Crète, qui a connu tant de luttes pour ta dignité, et tant de trahisons, faire la guerre c’est faire croire. Ce postulat est vieux comme le monde. 

Mais l’humanité ne veut plus de mensonge ! Raison de plus pour saisir tous les messages de bonne volonté : les églises prolongent leur message pascal, l’ONU veut tenir sa place, la diplomatie se veut solution. N’est-ce pas la voie de l’adieu aux armes, la voix de la raison ? 
 
 

Gérard LABONNE 
 
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Pâques crétoises 99.

  

L’agneau tourne sur la broche, doré à souhait, imprégné des senteurs des herbes des montagnes crétoises. Le «Mageiritsa » "  reste au chaud sur le fourneau. Les œufs peints sont dans les corbeilles en osier.
Tout est prêt pour accueillir la communauté crétoise de Paris au retour de la messe de la résurrection.
Minuit, les premières familles arrivent : les femmes dans leurs toilettes somptueuses, un cierge à la main ; les hommes, costume strict, cherchent la meilleure table. L’affluence sera record ce soir dans les restaurants crétois du quartier St Michel, à Paris, d’autant que la cérémonie religieuse a renforcé cette année l’unité et la communion de l’église orthodoxe avec les frères des Balkans. Actualité oblige.
Les serveurs s’activent, le client est exigeant.
        A peine installés, les hommes prennent la parole, les discussions s’animent entre tables. Chacun égrène ses souvenirs pascals. Au cœur des propos resurgissent les rivalités d’antan. 
Ces rivalités, entre villages, naissaient dès la sortie même de la messe, au moment du rituel de la purification 
        En effet, les âmes libérées par le pope se rassemblaient sur la place du village, au pied du bûcher sur lequel l’effigie de Judas attendait son funeste destin .
Jusque là, rien de différent avec la tradition grecque, et même au delà. En Allemagne on brûle également Judas à Pâques ; en Bretagne, des curés avec enfants de chœur et bannières ont été vus bénissant les feux de la Saint Jean.
Vieux rites païens récupérés par l’église.
Mais la singularité crétoise est ailleurs. Judas, gigantesque supplicié, est doté d’un énorme phallus qui fait l’objet de toutes les sollicitations.
   Et la vanité villageoise fait de son Judas, de son phallus et de son bûcher, l’objet de la course à la démesure. C’est à celui qui sera le plus impressionnant, qui transforme le bûcher voisin en feu de buisson, le Judas d'à côté en eunuque.
        Et lorsque le bûcher s’embrase, les revolvers apparaissent, des coups de feu crépitent. La cible est trouvée. A chacun son morceau de pénis.
Le Judas ithyphallique est un miracle crétois : la lumière du Christ qui éclaire le monde dans le cérémonial religieux orthodoxe est associée au culte de Dionysos mêlant satyres et dieu Pan - Curieux syncrétisme qui continue à alimenter les discussions jusqu'aux premières heures du jour.Toutefois, Pâques 99 transcende le rite : du dème d'Héraklion à celui du Lassithi, Judas concrétise un besoin de purification plus profond, une haine du traître.
         Dans la capitale crétoise, la procession partie de l’église Aghios Constantinos se rend au lieu du supplice, sous la protection des icônes, de la hiérarchie orthodoxe de la ville, de l’armée. Arrivés au pied du bûcher, croyants et non croyants, accompagnés des notables de la ville et des jeunes en costumes traditionnels, contemplent un Judas d’actualité.
Le traître est là, porteur d’un missile baptisé "NATO" et flanqué d’une cible semblable à celle des frères balkaniques ; cet ennemi du Christ brûle sans attendrir l’assistance. Près de Sitia, dans un village de montagne, Judas a pris l’apparence du président des Etats Unis ; partout, le lien étroit avec l’actualité marque les fêtes pascales de cette année.
Certains cherchent les raisons de cette instrumentalisation politique dans le grand schisme de 1054 qui a traversé l’église ; les uns y voient la continuité du principe byzantin selon lequel le patriarche tient son territoire d’un acte de droit séculier, à l’opposé de Rome qui se prévaut du droit divin. D’autres constatent le prolongement des « philocalies » (prières du cœur) byzantines qui invoquent une liberté du croyant. Quelles qu’en soient les causes, le Christ peut retourner en Crète, il peut dormir tranquille, les revolvers veillent, et Judas n’est pas prêt de lui jouer un tour !
Gérard LABONNE
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Coup de coeur.
Véronique Skawinska, journaliste nutritionniste, ancienne responsable des pages "formes" de l'Equipe, collabore à de nombreux journaux; elle est l'auteur du best-seller "Question de poids", qui relatait l'amaigrissement spectaculaire de Demis Roussos, aux éditions Lafon.
 
 
 
 

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14 rue Vandamme Paris 14 ème

 

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Plantes quatre fois millénaires.


 
(…) La vie au temps du roi Minos semble s’être perpétuée. Quelques plantes ont survécu au cours des siècles…

Les amandiers et les caroubiers abondent au milieu des pins d’Alep. A leurs pieds s’étendent les bruyères et le thym qui embaument. De minuscules fleurs surgissent de la terre, de cette terre qui semble si sèche.

La montagne révèle un peu de ses secrets. Quelque part l’eau coule, entre deux roches, apportant aux lauriers roses le précieux liquide. La montagne révèle encore ce mystère minoen. Les spécialistes estiment qu’en ce temps là l’île était plus verte. Peu à peu la végétation s’est faite plus rare, probablement par la main de l’homme qui déboisa afin de pousser plus loin ses pâturages, exporta le bois et s’en servit ensuite pour fabriquer du charbon. Mais le charme reste entier. Les espèces d’arbres sont bien les mêmes, on admire toujours des chênes et des cyprès. Bien des plantes ont franchi les quatre millénaires : elles ont toutes un rôle différent, qu’il soit aromatique ou encore médicinal. D’autres servent à faire des teintures. On en dénombre pas moins de mille sept cent espèces différentes. A lui seul ce chiffre est enivrant.
    La montagne en est toujours plus jolie, de ces plantes qui fusionnent. Si l’on retrouve les liserons, les myosotis et les gueules de loup , on découvre également des espècesmoins connues : l’acanthe,la myrte ou l’euphorbe. On ose à peine cueillir un brin de menthe, une baie de myrte, une fleur de valériane. La nature, si intense, vous surprend. Le souffle coupé, à peine pose-t-on les pieds sur la rocaille où se dresse toujours une corolle, une petite chose mauve ou jaune, ou de pure blancheur. Le soleil cuisant n’altère pas ces couleurs, il les transcende. La vie s’échappe de ces minuscules créatures, donnant un peu de bonheur au passage. (…)
C’est un grand ouvrage qu’il faudrait rédiger si l’on voulait parler de toutes les espèces végétales qui se trouvent dans l’île de Crète. Un simple article ne peut suffire à toutes les décrire. 
Ainsi, si vous le voulez bien, au sein d’un bulletin ou d’un autre, je vous parlerai de quelques plantes crétoises, ou d’un arbre centenaire…Pour cette fois, mon choix s’est arrêté sur quatre espèces que vous n’aurez pas de mal à reconnaître au cours de vos randonnées. Il en est même une que l’on retrouve au bord des routes en abondance.
Nos photos sont bien modestes, comparées à celles qui fleurissent dans les ouvrages spécialisés.
A ce sujet, je ferai référence à une œuvre parue cette année aux éditions BONECHI, s’intitulant « Les Fleurs de Crète » et qui est une pure merveille. On y découvre entre autres des orchidées, véritables trésors crétois. 

Suzanne.

De la famille des Aracées, le Dracungulus Vulgaris est une grande plante pouvant atteindre un mètre, d’un beau châtain pourpre à l’intérieur, verdâtre à l’extérieur. Cette plante ressemble un peu à un Arum. Elle fleurit au printemps. Elle pousse dans les champs, les fossés et au bord des chemins, à basse altitude. Ainsi nous l’avons retrouvée dans les gorges de  Samaria.

Dans la famille des Orchidées on trouve l’OrchisPapilioancea, toujours à basse altitude, mais dans des endroits buissonneux. Ses feuilles sont sombres, et ses fleurs roses ou pourpres aux nervures foncées sont un régal pour les yeux. Elle fleurit de février à avril.Comme chacun le sait, les orchidées sont très recherchées pour l’originalité de leurs formes et de leurs coloris.

Il fait partie de la famille des Apocynacées. On le rencontre partout dans l’île, fleurissant de juin à août, sur le bord des routes, dans la montagne, dans les ravines. Son nom est le Nerium Oleander, plus communément appelé laurier rose. Ses tiges peuvent atteindre quatre mètres. Ses feuilles linéaires font douze centimètres de long. Sa couleur varie du blanc au pourpre, ses fleurs peuvent être doubles. La Crète sans les lauriers rose ne serait pas la Crète

Enfin il faut parler d’une plante déjà connue au temps des Minoens, et très utilisée. Il s’agit duLinum : le linCette plante herbacée, ou petit arbuste, possède des feuilles entières, étroites, et généralement des fleurs bleues. Récoltée au mois de juin, cette plante avait autrefois plusieurs usages, à la fois industriels, alimentaires et médicinaux. Avec ses fibres très résistantes, on fabriquait des tissus légers. Avec l’huile extraite de ses graines on assouplissait ces fibres. Enfin on confectionnait des médicaments, notamment contre la toux. Ses graines sont toujours utilisées en pharmacie

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Mythologie crétoise.

 
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Mythologie crétoise

 
Fils de Zeus et d'Europe et frère de Minos
Courait dans le sentier le jeune Rhadamante
Et si Minos fonda la ville de Cnossos
Lui préférait fouler et respirer la menthe
Il entraînait sa nièce, la fière Akakallis
Fille de Pasiphaé du soleil la servante
Dans les jardins de roses et de volubilis
De jasmin mordoré à l’odeur enivrante.
Phèdre, Ariane, Akakallis et Xénodiké
Quatre sœurs crétoises au destin légendaire.
Ariane amoureuse réussit à sauver
L’Athénien Thésée du labyrinthe austère.
Dédale ayant donné le fil en fut punit.
Il s’y vit enfermé par l’affreux Minotaure
Avec Icare. A s’enfuir ils ont réussi
Grâce aux ailes de cire et de plumes d’aurore.

Simone Arnoux Orphanide

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Le mystére du linéaire A.

Les fouilles archéologiques dans l’île de Crète, commencées au début de notre siècle, ont amplement contribué à faire connaitre la culture de de la civilisation minoenne et de la civilisation mycénienne, qui se sont épanouies entre la fin du troisième millénaire et l’an 1200 avant notre ère. En revanche, les écritures attestées sur les matériaux retrouvés dans les fouilles, gardent encore beaucoup de secrets. 

            En fait, des trois écritures attestées, seul le linéaire B a été déchiffré: le hiéroglyphique et le linéaire A restent pour nous des signes qu’on n’arrive même pas à lire, et encore moins à comprendre. Mais ces trois systèmes ont des points en commun: tous présentent des chiffres, des idéogrammes et des groupes de signes ou de mots. On a pu établir que les chiffres suivent le système décimal. Les idéogrammes, qui sont des dessins stylisés, ont une valeur “iconique”, et devraient donc permettre même à qui ne sait pas lire, de comprendre de quoi traite le texte en question, même pour nous qui les lisons après 4000 ans. C’est à dire que, par exemple, on peut supposer que dans une tablette on parle de troupeaux, mais le reste nous est incompréhensible. En fait, les autres signes exigent une véritable lecture, c’est à dire qu’il s’agit d’un code, qui ne peut donc être utilisé que par ceux qui connaissent le système.Ces signes, par lesquels les mots sont transcrits, sont environ 90: on peut donc aisément établir qu’il s’agit d’un système syllabique.

Evans, l’archéologue qui fut le premier à avoir fouillé en Crète à la fin du XIX ème siècle, avait supposé sur la base de la stratigraphie, que le hiéroglyphique était l’écriture la plus ancienne des deux linéaires. Mais cette idée a ensuite été démentie par les autres découvertes qui se sont succédé jusqu’à nos jours. D’abord on a vu que les inscriptions hiéroglyphiques du Palais de Cnossos sont les documents les plus récents en linéaire A découverts dans ce même palais, signe évident que le hiéroglyphique n’était pas l’ancêtre du linéaire A. Mais une autre découverte devait montrer que les deux écritures ont coexisté pendant une période: en 1923 on a trouvé à Malia des tablettes écrites en partie avec le système hiéroglyphique et en partie avec le linéaire A. L. Godart en a déduit que, dès l’époque protopalatiale, les administrateurs des résidences minoennes ont utilisé les deux écritures: le linéaire A qui venait d’être inventé et le hiéroglyphique plus ancien.

Mais pourquoi utiliser deux écritures différentes, en dépensant beaucoup plus d’énergie pour maîtriser les deux, plutôt que de choisir la plus adaptée ou la plus simple? 

Évidemment, elles étaient spécialisées, c’est à dire que chacune était liée à un domaine différent de la vie crétoise, ce qui est confirmé par les témoignages matériels. En fait, pour comprendre la raison de cette coexistence, L. Godart a examiné les matériaux sur lesquels on trouve ces deux écritures et il a conclu que le hiéroglyphique est utilisé la plupart du temps sur des sceaux, tandis que le linéaire A n’est gravé que sur des tablettes. D’après son hypothèse le linéaire A naquit à l’époque des premiers palais et il fut utilisé pour tenir la comptabilité des biens palatiaux, activité qui demandait une écriture bien plus souple de celle du hiéroglyphique. Cette dernière, qui à l’époque prépalatiale était utilisée pour graver les sceaux marquant la propriété des personnages éminents, apparut dans le palais en même temps que les sceaux, mais leur resta réservée. Ensuite, à l’époque du Minoen Récent, cette écriture disparut, pour laisser la place au seul linéaire A; c’est pour cela qu’on n’a trouvé aucun texte comptable en hiéroglyphique dans les couches du Minoen Récent. 

Pour résumer, d’après la théorie de Godart, à l’époque protopalatiale les minoens connaissaient déjà l’écriture hiéroglyphique, mais à partir de l’époque des premiers palais ils inventèrent une autre forme d’écriture, le linéaire A, à l’instar des Hitittes qui avaient développé une écriture hiéroglyphique parallèlement à une autre plus ancienne, dite cunéiforme. Normalement, le système hiéroglyphique minoen aurait dû disparaître au moment de l’apparition du linéaire A, mais on a les preuves que pour une certaine période les deux écritures ont coexisté, la première se spécialisant pour la gravure des sceaux.

Pour achever ce sauvetage les scribes ont du accomplir une remarquable opération qui a permis de prolonger encore pour quelques temps la vie du hiéroglyphique, même après l’apparition d’un système plus simple tel que le linéaire A: il est possible, d’après Godart, que les scribes l’aient enrichi de certains idéogrammes et du système décimal, empruntés à l’écriture qui venait d’être inventée.

A l’époque des seconds palais l’écriture hiéroglyphique se perdit irrémédiablement, avec la coutume de graver sur les sceaux les noms, les titres ou les mérites des personnages importants.

Comme on l’a dit, ces deux écritures, dont on a essayé de retracer l’histoire, n’ont pas encore été déchiffrées, mais on a pu quand même tirer quelques conclusions sur le linéaire A.

D’abord, nous retrouvons les mêmes idéogrammes, syllabogrammes et le même système numérique dans les deux linéaires, ce qui nous fait déduire que le linéaire A était l’écriture minoenne dont les Grecs mycéniens s’étaient inspirés pour créer le linéaire B quand ils ont conquis la Crète aux environs de 1450.

Il semblait évident de pouvoir lire les mêmes signes de la même manière pour les deux écritures. On tentait donc de déchiffrer le linéaire A en attribuant aux signes communs les valeurs phonétiques reconnues par Ventris au linéaire B, mais l’opération n’a jamais donné des résultats satisfaisants.

Godart et Olivier ont fait beaucoup d’études dans ce sens, après de nombreux et infructueux essais. Ils publièrent dans un premier temps tout le corpus des inscriptions pour avoir une vision complète du matériel connu. Ensuite, ils procédèrent en isolant les groupes de signes communs aux deux écritures: on avait là une haute probabilité de trouver la transcription de mêmes mots. Comme il arrive toujours dans l’histoire, le peuple qui conquiert un territoire occupé par une autre civilisation, a normalement tendance à laisser les toponymes tels qu’il les a trouvés, même s’il s’agit d’une autre langue, au pire il peut adapter les noms, mais il est rare qu’on décide de les changer complètement. C’est pour cela que les toponymes, ainsi que les anthroponymes, ont une tendance archaïsante très marquée et peuvent nous apporter de précieux renseignements sur les civilisations passées. 

Donc, si la langue des Mycéniens a gardé les toponymes et quelques anthroponymes minoens, ces mots doivent se cacher sous les groupes de signes communs aux tablettes en linéaire A et en linéaire B. Mais s’il s’agit des mêmes mots, cela veut dire que nous pouvons attribuer des syllabes à quelques signes en linéaire A, sur la base de la lecture des mêmes signes dans le linéaire B et ainsi, on peut obtenir la transcription de presque 15 syllabogrammes sur 90 au total. 

Malheureusement, l’analyse des textes a révélé que si certains syllabogrammes communs ont une même valeur, beaucoup d’autres ont un sens différent: on n’a pas pu aller plus loin. Probablement la langue du linéaire A n’appartient-elle pas à la famille des langues indo-européennes, peut-être y a-t-il une parenté avec le protohatti, étant donné l’origine anatolienne du peuple minoen, mais on connaît trop peu les deux langues pour établir scientifiquement une parenté. 

Il faut dire que même si l’on arrivait à lire le linéaire A, pour comprendre les textes des tablettes et des sceaux il resterait quand même à le déchiffrer, ce qui peut se révéler plus difficile, en effet le linéaire A transcrit sans doute une langue disparue à jamais. Le seul espoir pour lever le mystère que gardent ces tablettes, est de trouver un texte Crétois bilingue en Égypte ou en Grèce, ce qui ne serait pas étonnant, puisqu’ on sait que la civilisation égyptienne et quelques centres au Proche Orient possédaient quelque connaissance de la langue minoenne.

Anna Maria Arnese.
NAPLES - ITALIE

Source: L. Godart, Le pouvoir de l’écrit, 1990 Paris.

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L'enfance de Zeus: aux sources du mythe.

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Dans les temps très anciens, Ouranos le ciel, et Gaïa (ou Gè), la terre, premiers dieux grecs maîtres du Chaos, représentaient le monde. Ils donnèrent naissance à des enfants monstrueux, les Cyclopes et les Titans. Parmi eux, Kronos, un Titan, détrôna son père et épousa Rhéa, une de ses sœurs. Redoutant alors de subir le sort d'Ouranos, Kronos dévorait ses enfants dès leur naissance.  Ainsi disparurent tour à tour en son sein les déesses Hestia, Démèter et Héra, et ses deux premiers fils Hadès, futur roi des enfers,  et Poséidon futur dieu de la mer. C'est pourquoi, peu avant la naissance de Zeus, Rhéa décida de soustraire l'enfant à la cruauté de son époux. C'est en Crète, dans une grotte, que la jeune mère se réfugia sur les conseils de Gaïa pour "dénouer sa ceinture". Celle-ci confia aux nymphes Ida et  Adrastée  le futur maître de l'Olympe, tandis que Rhéa offrait à la gloutonnerie de son naïf époux une pierre emmaillotée dans les langes du nouveau-né. Dans son refuge crétois, bercé dans une corbeille d'or, Zeus suçait le doux miel des nymphes, les abeilles du mont Ida, filles du roi Melisseus ( melissa ( melissa) signifie abeille en grec) et "pressait la grasse mamelle de la chèvre Amalthée" (Callimaque), dont il reproduisit plus tard, par reconnaissance, l'effigie dans la constellation du Capricorne. Un jour, par mégarde, l'enfant lui brisa une corne au cours d'un jeu ; affecté, il en fit la "corne d'abondance", qui prodigue  profusion de biens. 

On conte aussi qu'un aigle et des colombes venaient lui apporter l'ambroisie et le nectar, breuvages des immortels. 
La mythologie est coutumière de ces récits d'enfants sauvegardés par des animaux, comme la louve romaine par exemple, traditions assimilées à un culte totémique de l'animal.

Tandis que croissait le futur maître de l'univers, les Curètes, fils de Gaïa attachés au culte de Rhéa, effectuaient des danses guerrières frappant de leurs épées leurs boucliers pour masquer les vagissements du nourrisson aux oreilles de Kronos.
Le fracas des armes revêt un caractère orgiaque né d'une coutume ancestrale destinée à chasser les esprits démoniaques pendant la frénésie des danses guerrières.  
Ce sont également les Curètes  qui, dit-on, apprirent aux hommes à dresser les animaux , à fabriquer un arc, et à vivre en paix. Ils étaient d'ailleurs adorés en Grèce et surtout par le peuple de Crète. 
C'est donc en Crète qu'avant de conquérir l'olympe, le maître de la foudre vécut son enfance auprès de Rhéa, loin de son père, l'insouciant Kronos, convaincu de poursuivre son règne pour l'éternité.

 En Crète, les grottes: aux sources du mythe.

C'est en Crète que les auteurs antiques comme Hésiode ou Apollonios de Rhodes situaient la naissance de Zeus dans une grotte du Diktè, appelée Diktaïon antron (Diktaion antron), sur les flancs d'une montagne à 1025 m d'altitude à l'ouest du village de Psychro . Dans cette grotte, proche du plateau de Lassithi, une niche dans le mur a été baptisée "berceau de Zeus" et une imposante stalactite "manteau" (lange) de Zeus . Un autel carré en pierre et divers objets de culte ont également été découverts attestant de l'importance de cette grotte , lieu de culte de 1800 avant J.C. jusqu'à l'époque romaine. Sa renommée, particulière parmi les 3400 grottes que compte la Crète, est liée à l'association mythologique avec Zeus et son culte dans l'île.

Néanmoins, des témoignages de l'érudition moderne, attestés par Paul Faure, mais aussi certains auteurs antiques de monographies sur la Crète sont arrivés à la conclusion que Zeus avait plutôt vu le jour dans une  grotte du massif du mont Ida, "l'Idaion antron"( Idaion antron)) dont le patronyme était parfois confondu avec "Diktè" dans l'antiquité. Dans cette caverne, le maître des dieux était l'objet d'un culte de  mystères  dirigé par des prêtres appelés Curètes et des prêtresses appelées Abeilles. 

Dans son "hymne à Zeus", Callimaque situe même l'enfance du dieu en Arcadie, tout en admettant que sa prime enfance s'est déroulée en Crète sous l'égide des Curètes, Strabon, lui, situe sa naissance sur le mont Aigion d'Achaïe.

Pour conclure, si toute légende procède de la réalité, ne doit-elle pas aussi préserver ses parcelles de mystère surtout au sein des arcanes insondables des rites et religions?

Claire Chazeau

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Le musée archéologique  de la Canée.

Il  se situe dans le Katholikon du Monastère Saint François, rue Halidon. Le plan du bâtiment est de type basilical, avec coupoles en croix à nervures.
Au cours des siècles et des événements politiques, il fut transformé successivement, en mosquée Yusuf Pasa sous la turcocratie, en cinéma au début du XXème siècle, puis en entrepôt militaire après l’occupation allemande.
Enfin, en 1962, il devint Musée Archéologique, et son intérieur fut rénové en 1980.
Il rassemble des pièces originaires du nome de La Canée, traces des civilisations néolithiques, minoennes, hellénistiques et romaines.

La collection préhistorique.

On peut tout d’abord admirer des trouvailles issues des grottes préhistoriques du nome de La Canée (-3500 -1200 av. JC) : céramiques du Minoen ancien, vases à denrées.
Des copies de saucières de l’Helladique ancien et d’idoles du Cycladique ancien prouvent que dès le troisième millénaire, des relations commerciales existaient avec l’espace continental et les îles de l’Egée.
Nous découvrons ensuite des pièces excavées de l’habitat minoen, de l’ancienne Kydonia, plus précisément du quartier Kastelli fouillé par des équipes helléno-suédoises (nous pouvons voir les vestiges issus de ces fouilles, près du 34 Odos Kanevarou).

 Les objets les plus intéressants sont des tablettes gravées de Linéaire A et B, en argile, ce qui prouve l’importance de Kydonia lors de la période créto-mycénienne.

On a retrouvé également à Kastelli l’empreinte d’un sceau en terre cuite représentant un palais ou une cité minoenne, surmontée de son «dieu» protecteur.A droite de l’entrée du Musée s’alignent des pièces découvertes dans les nécropoles du Minoen récent (-1400 -1200 av JC) : vases peints, très belle boite en terre cuite peinte représentant des oiseaux ainsi qu'un homme avec une cithare, magnifiques bijoux en or.
De grandes jarres (pithoi) destinées au stockage des provisions sont disposées dans la section préhistorique.

 

La collection de l’époque historique.

Située dans la partie ouest de l’église Saint François, cette section comporte des témoignages du 1er millénaire av. JC, provenant des nécropoles géométriques du nome de La Canée (vases, offrandes funéraires en terre cuite).
Le long de la nef médiane sont harmonieusement disposées des statues de divinités (Artémis, Aphrodite, Asclépios) ou d’empereurs (Hadrien), ainsi que des stèles funéraires.
Ces sculptures proviennent de divers lieux du département de La Canée et sont principalement d’époques hellénistique et romaine, d’inspiration classique.

Le pavement du même espace est constitué de deux superbes mosaïques illustrant des scènes mythologiques (Poseidon enlevant Amymoné) et dyonisiaques.
On peut admirer toute une collection de monnaies dans les vitrines de la nef médiane.
La nef nord, quant à elle, est consacrée aux découvertes faites lors des fouilles des cités du nome : des vases géométriques, hellénistiques et romains, des objets d’usage quotidien d’Aptera, des objets de Phalassarna et Lissos.
On pourra s’accorder un instant de repos dans la cour de l’ancienne mosquée Yusuf Pasa, en admirant la très belle fontaine octogonale en forme de minaret. Deux platanes prodiguent au visiteur repu et comblé leur ombre bienveillante, ainsi qu’une invitation à la rêverie à peine dérangée par la rumeur de la rue toute proche.

                                                                                                          Christophe GOLFIER.

Sources : « La vieille ville de La Canée » Mikhalis Andrianakis.

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