Voici les articles  du Bulletin N°15 de l'association.
deuxiéme trimestre 2002
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SOMMAIRE DU N° 15


Editorial: Gerard LABONNE  Traduction D.M: 


CRETE D'AUJOURD'HUI :


CRETE ETERNELLE :


 

 

Editorial

A la rencontre de…..
 

Du 15 au 22 avril, l'association "Crète : terre de rencontres" a organisé son voyage annuel en Crète. Voyage sur une terre inconnue pour de nombreux participants. Voyage initiatique pour tous, mais sans les épreuves rencontrées par les premiers initiés et narrées dans les légendes : ni Cyclope, ni Circé, ni Calypso, ni Néréides, Tartare et âmes perdues, sans les cinq épreuves odysséennes, du fruit défendu, des ténèbres, de la volupté, de la colère de Poséidon et de l'Au-Delà. Un voyage somme toute plus serein et néanmoins très enrichissant. Chacun a gardé les yeux ouverts et l'esprit en éveil, prêt à partir
- à la rencontre de la Crète moderne avec son économie agricole, ses petites productions locales et variées qui veulent vivre, de la plaine Messara au canton de l'Apokoronou.
- à la rencontre de la Crète littéraire sur les pas de Kazantzaki et de Prevelakis, du musée de Myrthia au village de Spili.- à la rencontre de la Crète antique, minoenne à Kato Zakros, mycénienne à Arméni.
- à la rencontre de la Crète religieuse avec ses monastères cachés dans les roches de l'Akrotiri ou dominant la montagne d'Agoufes
- à la rencontre de la Crète éternelle à la faune et à la flore exceptionnelles avec ses deux cents espèces typiquement indigènes, ses plantes médicinales connues dès l'antiquité et qui suscitent toujours l'engouement des botanistes.
- à la rencontre d'un peuple qui montre ses valeurs d'hospitalité, de chaleur et de respect, richesses suprêmes, aux visiteurs curieux.
Ce voyage hors des chemins balisés par les voyagistes intéressés témoigne que la Crète est une terre de rencontres et une richesse pour celles et ceux qui voyagent les yeux ouverts sur le monde.

Gérard LABONNE

 

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LES JOURNEES DE LA LANGUE FRANÇAISE.

 

Les Journées " Langue française
et culture européenne "
à Héraklion

Les 27 et 28 mars 2002


Comme nous l'avions indiqué dans notre dernier bulletin, les journées des 27 et 28 mars ont rencontré un franc succès marquant la place importante de la langue française en Crète.
Des débats et conférences ont ponctué ces journées ; la conférence de madame Hélène Ahrweiler sur le thème " Civilisation Européenne et Esprit français " a créé l'évènement.
A cette occasion un concours destiné aux enfants a permis de souligner le réel engouement des jeunes pour la langue et la culture françaises. Trois cent dix-sept élèves de différents collèges ont participé à cette initiative, déployant un talent et une imagination débordante et manifestant une grande connaissance des us et traditions françaises, le tout avec humour.
Nous présentons quelques oeuvres de ces jeunes artistes francophiles. Chaque élève a reçu un certificat de participation accompagné de livres (en français bien sûr)
Ces manifestations ont été organisées en collaboration avec l'Institut français d'Athènes, l'association franco-hellénique d'Héraklion et l'association des professeurs de français.
D'autres manifestations sont programmées :
- L'association Franco -hellénique d'Héraklion avec l'Institut Français d'Athènes organise, du 26 mai au 14 juin, une exposition consacrée à Victor Hugo.
- Le 26 septembre 2002, l'association franco-hellénique d'Héraklion organise un concours pour les élèves des classes de français du département d'Héraklion sur le thème : " cherchez les traces de la France dans la ville d'Héraklion.
Nous ne manquerons pas de revenir sur ces intéressantes manifestations qui concrétisent la vivacité de l'amitié franco-hellénique
.

 


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LE VOYAGE DE L'ASSOCIATION Avril 2002

femmes

 

Les femmes

Depuis la falaise, vue éblouissante
sur le site de Kommos, le port antique,
la longue plage de sable et le golfe de la Messara.

Les huit femmes en liesse entament
une danse typique, le " Kritiko Kankan ".

hommes

Les hommes

Respectueux des convenances,
les hommes restent dignes………
Apparences trompeuses : tel le président
rongeant son frein, ils n'ont qu'une idée en tête,
se précipiter à Kalamaki, où notre ami
Georges nous attend pour déjeuner.

 

groupe
Retrouvailles au bas des cascades
après notre première matinée en Crète,
dans le beau village d'Argiroupoli.
La sérénité des lieux - fraîcheur des cascades,
bruit de l'eau, ombre des grands platanes-
se reflète sur les visages souriants,
promesse d'un voyage rempli de
moments d'échanges et de partage.
LES MIRACLES DU REGIME CRETOIS

" Si le régime crétois renferme des secrets vieux de trente cinq siècles, il est grand temps de les dévoiler avant qu'ils aient disparu à jamais."
Serge Renaud
Directeur de recherches à l'Inserm

Petit rappel et grands principes…..
- Beaucoup d'huile d'olive,
- D'importantes quantités de pain de campagne,
- Peu de viande, un peu de poisson mais beaucoup d'escargots,
- Quelques fromages et yaourts au lait de brebis et de chèvre,
- Des fruits, des légumes frais et des plantes sauvages à profusion,
- Des légumes secs,
- Du vin rouge à chaque repas,
Et…12 km à pied par jour.

Vous avez dit régime ?
Comme vous le savez tous, les crétois modulent leur régime alimentaire sur le calendrier orthodoxe, faisant ainsi alterner les festins traditionnels et les périodes de jeûne. Comment, en une petite semaine, connaître tous les aspects de ce fameux régime ? Crète : Terre de rencontre ne recule devant aucun sacrifice quand il s'agit de faire découvrir la culture crétoise et ce fut le premier miracle : en une semaine et à raison de deux copieux repas par jour sans compter les petits déjeuners, nous avons goûté à tout ou presque! A chaque repas il nous était proposé un " menu dégustation " regroupant la cuisine quotidienne crétoise, la cuisine de carême et la cuisine des jours de fête !
Chaussons au fromage et aux épinards, légumes et feuilles de vigne farcis aux herbes, asperges sauvages et autres " hortas " (plantes sauvages), sardines grillées, escargots accommodés de toutes sortes de manières (nous étions en plein carême et la moindre des politesses était de respecter la tradition), agneau grillé, cochon de lait au four (Pâques n'était pas loin !) furent notre quotidien, arrosés de vin, ouzo et raki. Et nous n'avons même pas escamoté la marche à pied, mais tout de même après de telles agapes, douze kms, c'était vraiment trop !!!

Le festin divin de Maryvonne

Ceci se passait à Georgioupoli , dans des temps très récents. La légende dit que Maryvonne tomba à genoux, littéralement en transes, devant un plat de " horta mé afga " (asperges sauvages aux œufs brouillés). Aghia Maryvonna fut béatifiée sur place et se retrouva instantanément au Paradis, la jubilation ayant eu lieu à la taverne " Paradise ".
Est-ce par coquetterie, nous n'osons le croire, ou par pur respect des traditions, Aghia Maryvonna remplaça très vite l'auréole par le chapeau que portaient les bourgeoises de Rethymnon dans la première moitié du XXème siècle pour se rendre à l'église. (Petit musée d'Argiroupoli).
On dit qu'un tel miracle ne se produit que très rarement, mais si vous avez la chance de trouver des asperges sauvages, essayez la recette, c'est vraiment délicieux.
800g d'asperges sauvages - 6 œufs - 4 cuillères à soupe d'huile d'olive - sel, poivre
Nettoyer les asperges et ôter les parties dures. Faire cuire dans très peu d'eau bouillante (juste le fond de la casserole, soit ½ verre d'eau), couvrir et laisser environ 20 minutes, jusqu'à évaporation de l'eau. Ajouter l'huile, le sel, le poivre et les œufs battus. Faire cuire environ 5 minutes en remuant constamment.

 

DECOUVERTE DE LA FLORE
Une semaine en Crète, une petite semaine pour découvrir des paysages variés, pour découvrir une Crète en fleurs, une île Verte, que les fontes des neiges et les pluies de l'hiver ont fait renaître.
La Crète, habituellement revêtue de tons ocres, la Crète, en ce mois d'avril 2002 est couverte de fleurs et de plantes qui se faisaient rares depuis sept ans.
" Il faut de la pluie, de la pluie pour nos jardins " me dit Nikos alors que j'admire la " marouli " (laitue) qui pousse entre deux de ses géraniums.
Cette humidité bienvenue a fait jaillir toutes les espèces à profusion. Notre périple est une succession de rencontres.Rencontre avec les férules (FERULA COMMUNIS) remarquables par leur hauteur, entre deux et trois mètres, grandes plantes possédant de belles ombelles à fleurs jaunes. Nous en admirons au retour de Vori (en direction de Rethymnon) : véritables forêts, elles couvrent complètement certaines collines,Rencontre avec le DRACUNGULUS VULGARIS et sa belle fleur pourpre. Ces dernières années il se faisait plutôt rare, préférant les gorges aux autres endroits. Nous en admirons lors de notre descente vers le monastère de Katholiko, je n'en ai jamais vu autant en une seule fois.
Cette plante existait déjà à la période minoenne, on la retrouve sur les peintures des sarcophages de l'époque.Rencontre avec les campanules CAMPANULA PELVIFORMIS, plante endémique de l'île, aux fleurs d'un bleu violet.Rencontre avec le caroubier et ses fruits en forme de gousses. Les gousses contiennent des graines très dures, très homogènes dans leur taille et dans leur poids. Autrefois utilisées comme unité de mesure pour peser les épices ou les pierres précieuses, elles sont à l'origine du mot " carat " (du grec keration qui veut dire caroubier).Rencontre avec les lauriers-roses NERIUM OLEANDER, que chacun connaît déjà. Mais presque tout le monde ignore que cette belle plante est dangereusement toxique. Elle est mortelle si on la consomme en tisane ou alors en accompagnement dans la cuisine.
Elle est très résistante à la sécheresse, et orne la Crète de ses belles fleurs blanches ou roses.Rencontre avec les orchidées…
Rencontre avec les SERAPIAS ORIENTALIS , présentes en très grand nombre et très faciles à repérer. Visibles tout au long de nos balades, à Arméni lors de la visite de la nécropole, à Mochlos, ou encore dans la gorge de la Vallée des Morts.
Rencontre également avec les OPHRYS qui ressemblent aux insectes qu'elles piègent pour se reproduire.
Rencontre avec l' EBENUS CRETICA. De toutes les espèces endémiques de l'île, c'est certainement la plus répandue. Cette année elle recouvre complètement les pentes rocheuses, et de ses belles fleurs roses aux poils gris argenté, elle forme des tapis et se balance au gré du vent, pour notre plus grand bonheur.Bonheur des yeux, bonheur des sens. Tout au long du voyage nous apprécions également les oranges, les pamplemousses, les nèfles et les citrons. Mais ceci est une autre histoire


 

QUELQUES MOMENTS FORTS

Argiroupoli:qu'il est bon de se balader dans tes ruelles en pente, le long des maisons où subsistent des vestiges romains, qu'il est bon de découvrir la flore dans ta plantation d'avocats , puis les tombes rupestres des Cinq Vierges au détour du sentier qui mène à la gorge de Kato Poros, qu'il est bon de se rafraîchir auprès de tes cascades en contrebas.
Arméni: ton silence nous apaise, et les orchidées qui fleurissent sur les tombes mycéniennes nous surprennent.
Spili: Blottie au pied du Massif de Soros qui te protège du soleil matinal, tu nous surprends par ta fraîcheur légendaire. Assis près de ta fontaine vénitienne aux dix-neuf têtes de lion, d'où surgit l'eau d'un torrent, nous nous souvenons du capétan Constantin, le héros du roman de Prévélakis, Le Crétois, qui faisait halte à ce même endroit avec sa troupe, en route vers leur village pour la récolte du blé, entre deux combats. " l'endroit était paradisiaque : platanes, jardins, abreuvoirs débordants…Les oiseaux piaillaient dans les branches. Les guêpes, ivres d'or, tout étourdies dans les derniers rayons du soleil, se heurtaient aux hommes." Quel endroit aurait pu mieux convenir pour parler de Prévélakis et de son œuvre ?
Agia Triada, Moni Gouverneto, Moni Katholiko. Le long du sentier qui mène au monastère abandonné, les Dracungulus Vulgaris nous saluent.Enfin, au détour du chemin, Moni Katholiko nous laisse ébahis.
Vori, découverte du Musée Ethnologique et de ses objets issus de la culture populaire des XVIIIe et XIXe siècles. Des gobelets en bois, des paniers tressés de roseau ou d'aulne, des lampes à huile, des haches… Autant d'objets de l'artisanat crétois, quelquefois millénaires.
Skotino, ton dédale ne nous a pas emprisonnés , mais le charme de la grotte a fait son effet et captivé ceux en ignoraient l'existence.
Kritsa. Nous découvrons l'église de la Panaghia Kéra et ses somptueuses fresques parfaitement restaurées. La chapelle dédiée à Ste Anne, Les scènes de la nativité, de l'épreuve de l'eau, et du Jugement Dernier sont un régal d'émotion, d'inventivité et de fantaisie.
Au cœur de la Vallée des Morts, nous suivons le torrent, nous le traversons plusieurs fois. Nous observons les têtards, nous cueillons du thym et du basilic, nous retrouvons une grande variété de plantes du fait de l'abondance de l' eau.
Vaï, ton eau de mer nous vivifie pour clore cette semaine bien remplie.
Les Dieux furent avec nous, Eole soufflant avec une juste mesure, écartant les nuages à notre passage.

Nous tenons à remercier nos hôtes pour leur gentillesse et leur accueil typiquement crétois.
Despina et Nikos, Eva et Dimitri, Odile et Iannis, Johanne, Eleftheria, Dominique, Georges, Maria et Yorgos, Anne, Denise et Jean Louis, Anna et Zannis. Grâce à vous tous et à votre disponibilité, nous avons passé un merveilleux séjour dans l'île de Crète.


Nous retiendrons les critiques de 2002 : .
" étant donné l'accueil gastronomique de qualité et de quantité supérieures il serait raisonnable de prévoir quelques repas libres … ".
" on a bien ri ! nous sommes devenus des aventuriers et des baroudeurs grâce à vous "..
" nous qui ne connaissions pas la Crète nous avons été très intéressés, très touchés émotionnellement par la beauté et l'histoire de tous les sites, par la richesse de la flore… "

 

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HUMOUR.

Quelques propos et commentaires insolites au cours du voyage et un conseil pour les prochains participants.


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MOTS CROISES.

 

1 Berceau des Komboloi
2 Antique Kydonia
3 Monastère de saint Jean l'Ermite
4 Monastère au bout du chemin
5 1ère partie du 6
6 Ville accueillante à l'est (2ème partie)
7 Onde aux yeux pers
8 Village paisible non loin de Matala
9 Fils d'un ingénieur de génie
10 Site antique
11 Unique en Europe
12 Départ d'une randonnée botanique
a Roi légendaire
b Etape sur la route des "pélerins"
c Monastère de la trinité
d Grotte majestueuse
e Cité de candie
f Monastère à l'est
g Site minoen
h Péninsule
i Périple d'un héros grec ou paradis au bout du voyage

 

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LES EGLISES BYZANTINES

LES EGLISES BYZANTINES


"Vous espérez découvrir la Crète ? Pas seulement
celle de Rhadamante, le roi-justicier de Festos ? Puis-je vous
adresser la recommandation d'un mécréant : allez à la messe."
Hervé Hamon - CRETE


Les églises byzantines font partie du paysage crétois. On estime à plus de huit cents les chapelles décorées de fresques en Crète. Eglises à trois nefs ou toutes petites chapelles cruciformes carrées à coupole, crépies de blanc ou laissant les pierres apparentes pour celles qui ont été restaurées, très anciennes ou récentes, -le terme " byzantin " correspondant à un style architectural et non à l'époque de la construction-, construites parfois de bric et de broc, surtout les petites chapelles privées, avec des matériaux de récupération, morceaux de pierres sculptées, de colonnades ayant peut-être appartenu à d'anciennes églises des premiers siècles; elles sont partout : dissimulées dans les coins reculés des villages, dans les champs, les oliveraies, entourées de jardins, de platanes, accrochées à la montagne et parfois au bord de précipices, et même….dans l'enceinte d'un hôtel-club! Un des buts de vos promenades peut être de partir à la recherche de certaines d'entre elles. Elles ne sont pas toutes entretenues, les fresques sont parfois à peine visibles mais toutes ont leur charme. Beaucoup sont fermées et la recherche de la clé dans le village voisin est un bon moyen de découvrir la Crète profonde : vous perdre dans la campagne, partager des fruits, des gâteaux ou un raki avec ceux que vous rencontrerez ou simplement profiter de la fraîcheur de l'église dans la chaleur de midi.

Les fouilles archéologiques ont prouvé que la vie religieuse était intense au cours de la première période byzantine et l'on a dénombré pas moins de soixante-dix basiliques datant de cette époque. Du IVe au VIe siècle, il s'agissait de grandes basiliques à trois nefs latérales avec colonnades, dans un style de construction rappelant les traditions syro-palestiniennes. Le sol était couvert de mosaïques, les peintures non figuratives représentaient des carrés insérant des croix, triangles insérant des feuilles et autres dessins géométriques. Au VIe siècle la coupole est intégrée au plan basilical. La plupart de ces églises ont semble-t-il été détruites durant l'occupation arabe mais les ruines que l'on peut encore voir de nos jours témoignent de la grandeur passée de ces édifices, le plus bel exemple étant la basilique St Titus à Gortyne (VI e siècle). On peut voir également de superbes mosaïques, entre autres à Sougia, Hersonisos, Panormos (Ve siècle). Certaines églises ont cependant des particularités architecturales originales, comme la superbe église Michail-Archangelos, une des plus anciennes de Crète, construite autour d'une rotonde datant du VIIe-VIIIe siècle.

La reconquête de la Crète par les byzantins apporta un nouveau souffle de prospérité et de développement culturel. Avec l'aide de l'église, l'Empire byzantin s'appliqua à consolider le pouvoir politique et à raviver le sentiment religieux. De nombreux monastères furent édifiés à cette époque, l'un des plus importants étant celui de Myriokephala où l'on peut voir les plus anciennes fresques préservées en Crète. A partir de cette époque et jusqu'au XIVe siècle, deux grandes catégories architecturales d'églises seront édifiées. Des églises à une, deux ou trois nefs présentant une travée centrale surélevée et surmontée d'une coupole, la plus célèbre d'entre elles étant celle de Kritsa (XIIIe-XIVe). L'église de Kournas illustre aussi parfaitement cette catégorie. Mais l'église en croix grecque inscrite dans un carré et surmontée d'une coupole va dominer largement. Témoin , la belle petite église de Aghios Pavlos sur la plage près de Aghia Rouméli (Xe-XIe) toujours debout malgré les vagues qui la fouettent depuis presque 1000 ans. C'est aussi ce type d'église, souvent très petite, parfois même avec une coupole un peu de travers (comme celle d'Aradéna), que vous croiserez le plus souvent.

De plus, le contact plus étroit avec Constantinople apporta une bouffée d'air frais à l'art crétois. Coupés du monde byzantin pendant près d'un siècle et demi et totalement ligotés par l'occupant arabe, les artistes crétois n'avaient pas évolué. Les plus anciennes fresques de Mirioképhala datant du début du XIe siècle ne sont "qu'une imitation provinciale des courants artistiques de l'époque ". Mais très vite, les artistes crétois seront capables de suivre les tendances nouvelles de l'art byzantin et de merveilleuses fresques datant du XIIe siècle sont encore visibles.

Curieusement, c'est pendant la période vénitienne (1204-1669) que furent édifiées les plus belles églises, que furent peintes les plus belles fresques et qu'on peut réellement parler d'un art crétois, et même d'une Ecole crétoise. La plupart des églises que l'on visite actuellement datent de cette époque. Nikos Psilakis, dans son livre Byzantine Churches and Monasteries of Crete, en donne les raisons : bien que faisant partie de la république de Venise, les crétois ne cessèrent jamais de se considérer comme Byzantins et après 1453 certains rêvaient même pouvoir faire revivre Byzance à partir de la Crète ! De nombreux réfugiés arrivèrent sur l'île afin de conserver leurs liens avec la civilisation byzantine et grecque ; les peintres byzantins fuirent Constantinople et s'installèrent à Chandax. Les nouveaux courants artistiques et la grande tradition byzantine furent transférés sur l'île qui fut capable de les absorber et de créer un nouveau courant original. Sous l'occupation vénitienne, la Crète devint après 1453 le centre informel du monde byzantin et le grand centre culturel de la Méditerranée orientale. Les deux groupes religieux vivaient ensemble sur l'île et les contacts culturels devinrent de plus en plus fréquents après le XVe siècle. La familiarisation avec les deux courants vénitien et byzantin est apparente dans l'œuvre du grand peintre crétois Michael Damaskinos dont les peintures sont exposées dans l'église Aghia Ekatarina d'Héraklion. Et ce n'est peut-être pas un hasard si un peintre crétois parvint à marier ces deux courant avec un tel bonheur, qu'il devint l'un des plus grands artistes de son temps. Il s'agit bien sur de Doménikos Théotocopoulos, "El Gréco".
C'est ainsi que du XIIe au XIVe siècle de très nombreuse églises furent érigées et couvertes de fresques. Une tradition artistique différente était créée en Crète, considérée comme une Ecole de peinture. L'école post-byzantine crétoise prévalut jusqu'à la fin de la période vénitienne. Des ateliers d'art furent créés et les œuvres, tableaux et icônes furent exportés dans tout le monde orthodoxe et même à Venise. Les vénitiens préféraient les figures ascétiques des icônes byzantines aux représentations occidentales plus réalistes. Le commerce des œuvres d'art durant les XVIe etXVIIe siècles fut une importante source de revenus pour la Crète. Les crétois n'avaient pu réaliser leur rêve de ressusciter l'Empire byzantin mais Byzance continuait à exister à travers l'Art

La décoration intérieure des églises est déterminée par des traditions qui sont fidèlement conservées bien que variant en fonction des formes architecturales spécifiques. La coupole est la partie la plus sacrée et on lui réserve toujours une représentation du Christ Pantokrator. La nef et sa demi-coupole est quant à elle toujours décorée de l'image de la Vierge Théotokos (accoucheuse de Dieu). Dans les parties basses de l'abside, on trouve souvent les portraits des grands saints. L'église Panaghia Kéra à Kritsa est la plus belle de toutes et l'on peut y admirer des fresques relevant de techniques et d'écoles différentes. Mais combien d'églises, de chapelles sont superbes ou simplement émouvantes, parfois étonnantes d'inventivité… Aghios Fanourios (Monastère de Valsamonéro) au pied du mont Ida, , les chapelles de la vallée d'Amari, l'église d'Alikambos avec comme guide le pope qui donne des explications passionnées dans un langage mêlant des mots appartenant à quatre ou cinq langues différentes, et tant d'autres…. A chacun de les découvrir ! Environ vingt églises sont actuellement restaurées mais un grand programme de restauration est en cours.

Marie-françoise PINS

Sources : Nikos Psilakis, guide Nelle.

 

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LE PALAIS DE ZAKROS

 

Le palais et la ville de Zakros se trouvent sur la côte Sud-Est de la Crète. A l'époque minoenne, cette région, isolée du reste de l'île par les monts de Sitia, devait être particulièrement difficile d'accès. Le port de Zakros est l'un des plus sûrs de la Crète orientale.
Le palais qui fut construit à Kato Zakros devait être le centre du commerce de transit contrôlé par le chef de la région, lequel devait naturellement servir les intérêts du pouvoir central de Cnossos.
Le site est mentionné pour la première fois en 1852 par le capitaine anglais Spratt. Mais les premières recherches systématiques datent de 1901 et sont dues à l'archéologue anglais D.C. Hogarth qui explora une partie des collines Nord-Est et Sud-Ouest où se trouvait l'habitat. C'est en 1961 que N. Platon fouilla et découvrit le palais qui se trouve entre les deux collines des fouilles de Hogarth.
L'histoire de la région du palais ne semble pas commencer avant 2500 av. J.-C. Néanmoins, dans les environs de Karydaki, les archéologues britanniques ont mis au jour un habitat néolithique. Sur la colline Nord-Est, Hogarth avait repéré des vestiges du Minoen Ancien, tandis que dans une tombe de la grotte de la " Gorge des Morts " on a trouvé, en 1963, une pyxide en pierre du Minoen Ancien avec la représentation plastique d'un chien, daté entre 2300 et 2100 av J.-C.

plan
Le palais occupe une surface de 7000 m² avec une cour centrale et une cour Ouest, quatre ailes dont les plus importantes sont celles de l'Est et de l'Ouest. L'accès se faisait par quatre entrées: la plus importante est la Porte Est, celle du port (1a), qui menait, par l'intermédiaire d'un vestibule avec rampe d'accès, à une salle carrée et, de là, à une cour pourvue d'un système d'égouts (2).
Le nouveau palais (en bleu) a été construit vers 1650 av. J.-C. Pour la construction et le décor on a utilisé comme matériau le tuf local de " Pélékita " (on a découvert là une carrière) et des briques crues pour la superstructure. La construction, pauvre, qui ne correspond pas à l'importance des trouvailles, renforce l'idée que le complexe de Zakros n'était pas destiné à un roi, mais à un puissant " toparque " accrédité pour le commerce extérieur ou qu'il constituait un poste de garde avancé, une base de la flotte minoenne.
De la porte du port et du corridor à degrés (1b), puis de la cour Est à laquelle ils conduisent (2), un étroit couloir mène à la cour centrale (3). La cour centrale mesure 20mx12 m mais l'axe de ces cours ne suit pas l'orientation classique des palais minoens, à savoir Nord-Sud. Dans l'angle Nord-Ouest il y avait un autel bâti. A l'époque de la prospérité, c'est dans la cour que se déroulaient les cérémonies, les processions, les sacrifices, les " sacrifices publics ".
La cour avait trois entrées vers l'aile Ouest. L'entrée principale était en face de l'autel de la cour, et encadrée de deux autres plus petites.

Aile Ouest : l'entrée centrale menait à un corridor avec escalier montant à l'étage ; derrière le corridor se trouvait un vestibule de réception (12a) dallé. Derrière celui-ci, des magasins (12b) ont fourni des objets importants tombés de l'étage. Du même vestibule (12a) on pénètre dans la salle des cérémonies (4), qui est également accessible par la porte Sud de la cour centrale. La salle mesure 12mx10 m. l'entrée principale est au Nord-Est et se fait par l'intermédiaire d'un puits de lumière carré, avec des colonnes sur les deux côtés. Suit un " polythyron ", une triple ouverture qui mène à une vaste pièce. La salle est divisée en deux. La partie la plus grande a deux petites colonnes et une plus grande dans son axe. Le pavement était divisé par des lignes d'enduit rouge. C'est dans cette salle qu'on a découvert le rython (vase à libations) représentant un sanctuaire de sommet, le rython en forme de tête de taureau, une feuille de plomb, des outils de bronze, comme une gigantesque scie d'un mètre soixante-dix de long.
De la partie Est de la salle des cérémonies on pénètre dans la salle des banquets (5) par un " polythyron ". La salle mesure 6x7 m et doit son nom au grand nombre d'amphores qui y furent trouvées. Le sol est divisé en compartiments par un enduit de couleur. Sous le plafond, les murs portaient un décor en relief de spires et de rosaces disposées en frise, qui est conservé sur une longueur de 26 m.
Derrière les salles (4) et (5), on a découvert le complexe du sanctuaire. Les pièces (6) et (7) possédaient des niches en briques. Dans la pièce (6), on a découvert, tombés de l'étage, six talents de cuivre de Chypre, pesant 29-30 kilos chacun et trois défenses d'éléphants de Syrie.
Le sanctuaire principal (8) était une petite pièce. La banquette devait servir à déposer des ustensiles rituels. A côté du sanctuaire (8) , il y avait un bain lustral (10), où l'on a trouvé une amphore en marbre veiné. Au sud-ouest, il y avait les ateliers d'un lapidaire, un magasin avec 15 jarres (11b) et le trésor du sanctuaire (11a) qui a fourni des ustensiles rituels d'excellente facture, parmi lesquels des rythons comme le fameux rython en cristal de roche trouvé brisé en trois cents morceaux, des doubles haches, etc…
Les archives (11c) étaient particulièrement importantes. Dans un placard en brique, on a trouvé treize tablettes d'argile écrites en linéaire A, qui se sont conservées en raison de l'incendie. A côté des archives, il y avait une pièce (11d) avec des compartiments, de brique également, dans lesquels étaient conservés des objets rituels. C'est derrière le complexe du sanctuaire que se trouvait le secteur artisanal. Parmi les ateliers on a reconnu des pièces réservées à la teinture.
Les pièces au sud ouest (20) du palais étaient, elles aussi, des ateliers. Les Minoens y préparaient des parfums à partir des plantes. Dans la pièce (20b) des petits objets en cristal de roche et en ivoire ont été mis au jour, cette pièce était sans doute un atelier d'ivoirier, etc…
De l'autre côté du palais, les pièces avaient un autre caractère (14). En face, il y avait un portique avec deux colonnes en bois qui donnaient sur la cour. Au fond, une banquette interrompue au centre par un escalier (14b) qui menait à l'étage. A l'est, un ensemble de pièces (14c) comprenait également une salle de bain ou un bain lustral.
A côté du complexe 14, juste à l'ouest de celui-ci, se trouve une grande pièce (13) la cuisine, tandis qu'au-dessus de celle-ci, s'étendait la salle des banquets. A côté de la rue du port, on a découvert un four à métaux avec une grande chambre de chauffe et des conduits pour l'aération (1c).
Aile sud est : comme à Knossos, c'est dans cette aile que se trouvaient les appartements " royaux ". En face de l'entrée de l'aile nord-ouest et des pièces (4) et (5), les appartements " royaux " donnent sur la cour centrale. La salle (15) ou " appartement de la reine " avait un polythyron sur trois côtés, un puits de lumière avec deux fenêtres à l'est et une entrée depuis la cour avec colonne au milieu. Chambres à coucher à l'étage. La salle (16), considérée comme " l'appartement du roi ", avait également un puits de lumière à deux colonnes. Deux portes menaient au portique de la façade qui constituait un lieu de repos avec des bancs de bois.
Derrière les appartements royaux accessibles de cet endroit par un corridor, se trouve la salle du bassin (17). La pièce est rectangulaire et englobait un bassin circulaire de 6 mètres de diamètre. On y descendait par sept marches. Autour, un parapet soutenait au moins cinq colonnes. D'après le fouilleur, cette salle était la " salle du trône ". Mais il est possible qu'il s'agisse d'un aquarium ou d'une citerne ou d'une salle lustrale. Dans l'angle sud-ouest, une ouverture mène à une petite pièce où l'eau s'amassait et était acheminée vers une fontaine souterraine (18), analogue à la " t??t? ????? " que décrit Homère dans l'Odyssée. Cette pièce était peut être, elle aussi, cultuelle. Dans l'angle sud-est de la cour centrale, une troisième pièce, puits-fontaine (19) avec escalier descendant, complète l'image de l'apport de l'eau dans les cérémonies. Dans ce puits, on a trouvé des olives intactes dans une coupe rituelle.
Sur les deux collines qui encadrent le palais, un vaste habitat constitue naturellement une extension du palais et montre l'idée qu'on se faisait de l'urbanisme : séparation des ensembles architecturaux par un réseau de routes et une excellente organisation intérieure, pressoir à vin, magasins, etc.
Au nord-est de la colline on a découvert des bâtiments qui étaient séparés par des rampes ou des escaliers et s'élevaient sur plusieurs étages. Il semble encore que sur les terrasses il y ait eu des jardins suspendus.
Le palais de Zakros apparaît donc, en plus d'un centre de transit, commeun agréable lieu de résidence.

*Toparque : gouverneur de région

Gérard LABONNE


Bibliographie :
- " la Crète minoenne " de E. Sapouna Sakellaraki.

*Toparque : gouverneur de région


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