Voici les articles  du Bulletin N°11 de l'association.
deuxiéme trimestre 2001
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SOMMAIRE DU N° 11


Editorial: Gerard LABONNE  Traduction D.M: 


CRETE D'AUJOURD'HUI :


CRETE ETERNELLE :

 


 

Editorial

 

Le ciel crétois est plus bleu sans nuage.
 

Loin des sentiers battus, insolite, immergé dans la vie crétoise, c'est ainsi que nous avions voulu le voyage du 16 au 23 avril, en Crète. Et quand je dis "nous", je parle aussi de nos amis des associations de Strasbourg et de Bordeaux. Notre ambition commune était de montrer "La Crète", pas celle des catalogues touristiques, la vraie, celle où chante le Pallikare, celle où travaille l'artisan, l'agriculteur, celle qui dévoile pudiquement son histoire et sa modernité, celle de Kazantzaki et d'El Gréco. Une semaine pour dévoiler cette Crète là! Trop court disent celles et ceux qui l'ont découverte pour la première fois. Raison de plus pour recommencer.Chacune et chacun a pu vérifier l'ancrage des valeurs portées par ce peuple insulaire, avec en premier lieu l'hospitalité, la gentillesse; qu'il soit commerçant, chauffeur de car, journaliste ou retraité, chacun a eu à cœur de nous accueillir avec chaleur, de répondre à nos sollicitations les plus variées. Pourtant, au milieu de ces coups de cœur, nous poussons un coup de gueule. Une sourde colère, un sentiment d'injustice et de honte nous envahit. Et nous le disons haut et fort parce que "nous" sommes responsables, quand je dis "nous" il s'agit de La France. En effet, au cours de notre périple, nous avons eu confirmation que l'Institut Français d'Athènes fermait toutes ses annexes en Grèce. Ne subsisterait à terme que le siège d'Athènes! les enfants de Crète (100 en 2000) qui veulent apprendre la langue de Molière devront aller à Athènes ou dans les cours privés. Ce désengagement français, pour des raisons commerciales voire mercantiles est inadmissible. D'autant, comble de l'ironie, que le 18 avril, jour de confirmation de cette information, M. Yves Dauge, rapporteur de la commission des Affaires étrangères, montrait avec lucidité, à l'Assemblée Nationale, les causes de la baisse de fréquentation des élèves dans les centres d'enseignement du français à l'étranger et dénonçait la faiblesse des subventions de fonctionnement données aux centres culturels et aux alliances françaises (1 milliard de francs pour 486 implantations); en comparaison le British Council dispose de 4 milliards de francs pour 160 établissements.Alors? Est-ce en fermant les lieux d'enseignements que l'on assure le rayonnement du français, une des langues officielles de l'Union Européenne?Décidément, le ciel de Crète est plus bleu sans nuage

Gérard LABONNE

 

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Souvenir du voyage en Créte.

 

Dans le ciel de Grèce un frêle oiseau de fer trace son sillon rutilant; sous ses ailes la feuille du Péloponnèse découpe ses côtes, comme une main tendue vers la terre de Crète où onze de nos adhérents et amis vont rejoindre, pour un périple confraternel, les deux associations d'Alsace Crète et Entre Deux Mers Régions d'Europe, associées pour une découverte de la Crète des coups de cœur.

La chaleur de l'accueil.
Dès le premier jour et tout au long du voyage est apparu, sous le manteau encore neigeux de certains sommets, la chaleur d'un accueil irradiant nos cœurs.
A Giorgioupoli, en ce lendemain de Pâques les Kallitsounia et la profusion de produits traditionnels nous ont offert le témoignage d'un premier coup de cœur qui grava son empreinte au fil des jours. Cette spontanéité, cet accueil, ont rythmé sans désemparer notre route: à Giorgioupoli, encore, pour une aubade familiale, accordée par Dimitri le guitariste, notre hôte, et sa famille, à Argiroupoli où nous attendaient dans leurs paniers des avocats tapissant de leur velouté nos palais attendris, à Vori où, pour notre groupe, le musée ethnologique et son centre de recherche nous ouvrirent chaleureusement leurs portes à une heure tardive, à Petrokefali, pour percer les secrets de la fabrication du paximadi, à Sivas chez Popi aux oranges et au raki généreux, et tous les jours, jusqu'à la fin, par la grâce de notre chauffeur crétois "Antonis". Ce langage du cœur, marque de l'hospitalité crétoise, a scandé tous nos pas jusqu'au sein d'un modeste Kafeneion crétois inconnu, à Zaros, où l'offrande généreuse de Kallitsounia, de quelques concombres et tomates apéritives, a enflammé nos cœurs de visiteurs étrangers.

Les charmes de la nature au printemps.
Non content de nous livrer ces coups de cœur chaleureux, ce voyage a fourni également l'occasion de découvrir en ce printemps 2001, la nature généreuse d'une île inconnue des estivants, visiteurs de lieux plutôt arides en été.
Ainsi, près de Giorgioupoli, le lac de Kournas nous a fait contempler son onde si abondante qu'elle camouflait ses plages et la luxuriance de sa végétation, abri de toutes sortes d'oiseaux : aigrettes, fauvettes babillardes, passereaux, corneilles mantelées, et tant d'autres, aux dires des spécialistes. C'est dans ce havre de paix que nous fut offerte la première note printanière de notre voyage.A Argiroupoli, ancienne cité romaine de Lappa, lieu de culture de l'avocat, exploité avec bonheur en cosmétique par l'une de nos adhérentes, Johanne, nous avons découvert la fraîcheur déroutante de l'espace vert d'Agia Dynami surnommé le"Moulin de la Ville", alimenté en permanence par une eau foisonnante et ruisselante.
Près de Zaros, nos pas nous ont conduits à payer de notre personne (sur près de onze kilomètres de montée et de descente) pour boire, comme un élixir, la pureté rafraîchissante du petit matin dans les gorges de Rouvas (voir rando au centre de ce journal).
Autre lieu d'émerveillement, à 850 m d'altitude, le plateau de Lassithi, cerné par un chapelet de sommets, déroule sous les yeux du visiteur médusé un tapis verdoyant de douze kilomètres sur six que ne scandent plus, hélas, les métronomes monotones des antiques moulins à eau.
Mais on ne saurait retracer la découverte de cette nature printanière sans parler des oliviers aux tempes argentées qui veillent, symbole de paix, sur les coteaux de Crète et la vaste plaine de la Messara "ceinte de majestueuses montagnes" et semblable "au jardin d'Eden" comme l'évoque Henri Miller, un lieu où la chaleur pesante du soleil crétois semblait tempérée par la verdure et la vision lointaine des sommets encore enneigés du Psiloriti (mont Ida), au-dessus de la grotte de Kamarès.
Gardons nous d'omettre enfin l'omniprésence de la mer : les bleus tendres d'avril furent les révélateurs de paysages inaccoutumés qu'elle consentit à nous livrer tout au long de la route et en son sein, aux pieds des grottes de Matala, dans la quiétude d'un cadre encore déserté, à cette époque de l'année.

Les sites.
Ardent pour nos cœurs émus, ce voyage a également constitué l'occasion de découvertes ou de retrouvailles avec des sites toujours originaux dont nous vous ferons dans de prochains articles une présentation plus détaillée. Notre périple nous a conduits à visiter des lieux le plus souvent oubliés des routes touristiques, excepté les majestueux palais minoens de Phaistos et d'Agia Triada. Ainsi, l'habileté de notre sympathique chauffeur de car a dirigé nos roues vers de nombreux sites antiques ou plus récents:
La nécropole d'Arménie au sud de Rethymnon, une des plus vastes de Crète présentant de nombreuses tombes du minoen récent; non loin de Matala la nécropole deKamilari révélant parmi les herbes folles le dôme effondré d'une tombe à Tholos et ses chambres adjacentes, sans parler des nombreuses tombes jusqu'à présent délaissées par les chercheurs.
Au sud de la crète, Phaistos et Agia Triada ont restauré dans notre mémoire, avec l'aide de notre guide éclairée, Kelly, la vision des antiques palais minoens, une énigme se dérobant toujours aux certitudes de quiconque tente d'en pénétrer les arcanes.
Témoignage plus récent de l'architecture crétoise, le monastère de Moni Vrondisi, dans un cadre enchanteur, nous a ouverts ses portes pour tenter de percer ses mystères par la magie des enseignements de Nikos Psilakis qui nous a consacré avec beaucoup de gentillesse et de spontanéité quelques perles de son temps précieux.
Non loin de Knossos, à Myrtia le musée de Nikos Katzantzaki nous a également permis de parfaire notre connaissance de l'œuvre et de la personnalité de cet écrivain, à travers une vidéo biographique habilement conçue et commentée à l'aide d'objets personnels que nous avons découverts, ensuite, exposés dans le musée.
Enfin, le dernier jour, tandis que Alsace Crète et Entre Deux Mers Région d'Europe s'étaient déjà envolés sur le chemin du retour et ressassaient avec nostalgie leurs souvenirs, les adhérents de notre association ont pu goûter le charme d'un dernière journée,le matin à Knossos pour certains, à Héraklion pour d'autres et au musée d'Héraklion l'après-midi pour admirer les merveilles découvertes à Knossos et dans les fouilles d'autres sites prestigieux de la Crète.

Les villes
Si la Crète a gagné nos cœurs sensibles aux charmes de ces sites, elle a aussi su nous séduire par ses villes si disparates et originales, marquées par des siècles de civilisation et d'invasions, aux périodes minoennes, vénitiennes ou ottomanes.
Ainsi, à la découverte captivante de Giorgioupoli, charmant petit port, à l'ouest, a succédé l'exploration de Rethymnon aux influences bigarrées, auréolée ce soir-là d'un ciel irisé par les tons saumon d'une tempête de sable maculant la ville et lui conférant des allures surréalistes d'images de synthèse.
Plus au centre de l'île, tout en longueur, le petit village de Spili dévoilait aux visiteurs le spectacle léonin de ses vingt-cinq bouches d'eau rejetant dans un bassin l'eau de la source qui les alimente.
Chaque bourg fut l'occasion de nouvelles révélations: ainsi le petit hameau de Zaros nous a exhibé une stèle en l'honneur de Vénizelos; Agios Nikolaos, au sud-est, a déployé la corolle de son lac aux yeux pers; Ierapetra a exposé aux yeux des visiteurs incrédules le courroux de ses flots agressés par Eole.
Enfin dans notre souvenir, loin des sentiers battus du tourisme agressif affligeant ses stigmates sur la côte nord comme à Hersonissos, subsiste l'empreinte de tous les petits villages traversés, parfois dans la souffrance pour notre pilote, âme de la Crète au sein de ses terres et vivante mémoire de ses traditions et d'une hospitalité héritée de l'antiquité.

Les traditions
Ce sont aussi les traditions que ce circuit a permis aux adhérents de nos trois associations de découvrir.
Ainsi la fête de Pâques, célébrée la veille de notre arrivée, persistait encore le lendemain à travers la réalisation, différente suivant les familles et les régions, de Kallitsounia, pâtisseries délicieuses et parfumées, et sous les traces encore presque fumantes de la fête du Judas, brûlé la veille en place publique, dont les cendres s'envolaient encore au vent d'Argiroupoli.
Non loin d'Aga Triada, à Vori, le musée ethnologique a offert toute la gentillesse de son généreux accueil pour nous révéler son exposition d'objets de la culture populaire des siècles derniers. Ces témoignages du quotidien des crétois, dans une fondation créée par l'association culturelle de la Messara, a reçu, en 1992, du conseil de l'Europe, le titre de Musée européen de l'année.
En outre ce contact avec les traditions nous a dévoilé, au fil des pérégrinations, d'autres volets de la culture et de l'artisanat local.
Ainsi à Zaros, un luthier nous a ouvert son échoppe pour permettre à nos yeux et à nos oreilles étonnés de percevoir toutes les facettes de son art; à Lassithi les tissages et broderies de l'artisanat local, demeuré très vivant pour le commerce, offrent l'image des travaux quotidiens utilitaires d'une époque révolue; à Petrokefali la visite de l'usine de paximadi nous a fourni des explications détaillées sur les différents modes de fabrications, biologique ou non, de ce pain cuit puis desséché pour une plus longue conservation; à Kavousi, les secrets de la fabrication de l'huile d'olive ont enrichi nos modestes connaissances d'un des fondements du régime crétois, cette huile ambrée, or de la Crète;vers Ierapetra la gentillesse de notre chauffeur nous a permis, au cours de la visite de ses serres de tomates, la divulgation de certaines règles du commerce maraîcher crétois.

La gastronomie
Pour finir, le récit de ce voyage s'avèrerait imparfait s'il omettait une facette incontournable de la vie et de l'hospitalité crétoise: la gastronomie.
A l'heure où le régime crétois impose ses principes fondamentaux et salvateurs au monde occidental, on ne peut prétendre qu'il existe un séjour en Crète sans dégustation des produits locaux.
Parmi les lois fondamentales de l'hospitalité crétoise s'inscrit le partage des repas:
Signe d'amitié et de convivialité, le raki, même parfois au petit déjeuner, consacre souvent la communion des cœurs qui participe de la chaleur de l'accueil dont nous avons précédemment parlé au début de cet article..
Ainsi, les journées de ce périple ont été ponctuées de longues périodes gastronomiques: des plats de "giros" aux "stifados", sans oublier les brochettes, la moussaka et pour finir les mézé dont la succulence nous a séduits dans les deux restaurants de Pacchia Amos et de Mochlos, au bord de la mer.Tel était leur nombre qu'il paraît indispensable d'en consigner l'essentiel pour garder en mémoire la variété de ces entrées crétoises, devenues pour la circonstance plat de résistance: salade choriatiki, fava, feuilles de vignes, feuilletés aux herbes ou au fromage, sèches à l'encre, boulettes de pommes de terre, crevettes, poissons frits…
Imaginez la richesse et le délice de ces étapes gastronomiques, typiquement crétoises, si éloignées de l'effarante médiocrité de certains hôtels à vocation "internationale" se bornant à reproduire dans votre assiette l'ordinaire banal d'un repas "occidental" .

Nos adhérents
Pour finir, ce séjour nous a fournis l'occasion de contacts fructueux avec plusieurs de nos adhérents crétois. Ainsi Johanne , à Argiroupoli, nous a montré les cosmétiques fabriqués avec ses avocats, imprégnés des fragrances originales de la flore crétoise, Georges Coupas s'apprêtait à nous offrir dans sa pension de Kamilari une hospitalité qu'un fâcheux concours de circonstances a perturbé, nous avons retrouvé avec un infini plaisir Denise et Jean-louis dans leur accueillante pension de l'Odyssée près de Sitia , enfin, à notre grande joie, Chantal Markou nous a rejoints à l'aéroport au terme de notre séjour.


En conclusion, que dire de l'expérience d'un tel voyage proposé à cinquante personnes d'horizons différents et issues de trois associations ? Malgré des erreurs de jeunesse, (la vision idyllique de ce compte rendu ne doit pas vous paraître surfaite) nous avons été profondément sensibles à la richesse de nos relations avec l'ensemble des participants, nous sommes revenus séduits par les contacts avec la population et la culture crétoise, par la découverte d'une nature accueillante sous un soleil tempéré, parfois même voilé, mais toujours éloigné de la grisaille métropolitaine. Certes la profusion de découvertes et d'acquisitions ne nous a pas permis d'aborder dans ce compte-rendu les détails de certaines excursions mais les journaux futurs contribueront à vous en approfondir les secrets.

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Pour la présence de l'institut Français à Héraklion

 

L'information nous a été confirmée lors de notre voyage d'avril dernier : l'Institut Français d'Athènes ferme de nombreuses annexes sur le territoire grec dont celle d'Héraklion. Notre association a écrit au Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie et à l'Institut d'Athènes pour demander d'infléchir la décision prise; nous pensons utile que toutes les associations philhellènes peuvent s'associer dans cette démarche pour réduire le décalage entre le discours glorieux sur les Centres culturels et la réalité du terrain. Nous restons attentifs à l'évolution de ce dossier.

 

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Mots croisés.

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La méditrerranée.

 

"La mer. Il faut essayer de l'imaginer, de la voir avec le regard d'un homme de jadis : comme une limite, une barrière étendue jusqu'à l' horizon, comme une immensité obsédante, omniprésente, merveilleuse, énigmatique."

Ces mots de Fernand Braudel, illustre historien de la Méditerranée, disent avec un brin de nostalgie, la vision universelle des hommes de cette étendue bleue, au delà des différences, qu'elles soient ethniques, culturelles, religieuses, géographiques.

Cette mer, qui vit naître, s' épanouir et mourir des civilisations très brillantes, cette mer, sur les rives de laquelle ont été bâties des cités puissantes et des cultures raffinées, cette mer, présente dans notre imaginaire depuis le début, semble promise à l' éternité.
Pourtant, par sa constitution, par l' activité humaine qui ne cesse de se développer, la mer Méditerranée est fragile. Depuis peu, les hommes prennent conscience de la complexité et de la fragilité des mers et océans. On a créé des instituts océanographiques et des laboratoires dans lesquels divers domaines de la recherche sont mis à contribution pour tenter de la mieux connaître: géologie, biologie, géographie, économie. Plus récemment, depuis 1996, le projet MATER permet de suivre avec précision l'évolution des courants et de la salinité grâce à une observation systématique par satellite. Les travaux des scientifiques concluront sans aucun doute (ils le font dès à présent) au très précaire équilibre de l' écosystème de la mer, et à l' urgence d' apporter des réponses conjointes de part et d' autre de la Méditerranée.
La tâche est énorme mais la survie de la mer Méditerranée est en jeu. La création récente d'un sanctuaire pour mammifères marins au large de Monaco est encourageante.

On doit réinventer "Mare Nostrum". Depuis l' Antiquité, l'homme s' attache à domestiquer la Méditerranée. Les Grecs considèrent cette mer comme un espace de liberté. Les Romains, qui préfigurent la modernité prétentieuse la déclare "Mare Nostrum", destinée et livrée aux hommes par les dieux. Croyant l'avoir apprivoisée, ces derniers veulent l'asservir.
Albert Camus, observant déjà la Méditerranée avec mélancolie, remarquait: "Les Grecs n' ont jamais dit que la limite ne pouvait être franchie. Ils ont dit qu' elle existait et que celui-là était frappé sans merci qui osait la dépasser. Rien dans l' histoire d' aujourd'hui ne peut les contredire."
Les préoccupations de l'écrivain restent entières et il faut méditer sa pensée.

La Genèse.

La Méditerranée - medius terrae, qui signifie au milieu des terres - est une mer, profondément engagée dans l' intérieur du continent et qui communique par un détroit avec l' océan.
Sur la carte du monde, elle est une simple coupure de l'écorce terrestre, un fuseau étroit, allongé de Gibraltar jusqu'à l' isthme de Suez et à la mer Rouge. Mais la forme et l' emplacement de la Méditerranée, tel que nous les connaissons n' ont que peu de points communs avec les anciennes étendus marines qui lui ont donné naissance. En effet, l'histoire de "Mare Nostrum " est celle de la Terre, espace ouvert ou fermé au gré de l'aventure tectonique, évoluant tout au long du temps, tout au long des ères qui ont présidé à l'aboutissement géologique actuel.


Tableau des ères géologiques

Au début de l' ère Primaire (environ 500 millions d'années), au sortir du Cambrien, les plaques africaines et eurasiatiques sont conjointes avec les plaques américaines pour former un vaste continent : la Pangée. Un océan immense , la Paléotèthys, l' entoure.

Schéma de la Pangée


Il y a environ 200 millions d'années……….

Un océan immense, la Paléotéthys (du grec paleo : ancien, et Téthys : déesse de la mer) entoure la Pangée, unique et vaste bloc qui réunit l'ensemble des continents actuels.Par la suite, ce bloc se fissure, se fractionne. Et, selon l'hypothèse émise par Wegener en 1912, des fragments partent à la dérive. L'Amérique du Nord se sépare progressivement de l'Afrique. Ainsi se crée l'Atlantique central.

Ces blocs se fissurent à partir de 200 millions d'années (200 MA ), avec l'apparition d 'un fossé d'effondrement (rifting) comme on peut le voir aujourd'hui en Mer Rouge.
Par la suite, et selon l'hypothèse de Wegener (1912), les fragments partent à la dérive. (théorie de la dérive des continents).

 

Schéma de la dérive des continents


Dans le sud ouest de ce qui sera la plaque européenne, l'effondrement va constituer l' origine de l'océan Atlantique. Simultanément, entre la plaque africaine et une plaque correspondant au continent Euroasiatique, un océan nommé Téthys se constitue il y a plus de 200 MA et communique largement au sud est avec l'océan mondial Paléotéthys.
Il y a 130 MA, l'Afrique se déplace vers l'est. Ce continent referme lentement la Paléotéthys et se rapproche du sud du continent européen. La partie nord de la plaque africaine (correspondant à la péninsule Arabique et au Moyen - Orient) se sépare et émigre vers la plaque asiatique. Cette dérive aura pour conséquence de refermer l' océan Téthysien il y a 80 MA, dont la partie orientale ne communique plus avec l'océan mondial.

Ces phénomènes géologiques s'accompagnent de processus connus concernant le frottement et la collision des plaques.
- d'une part, il y a "subduction " : passage de la croûte océanique sous la croûte continentale de la plaque adverse; de formidables éruptions volcaniques en seront les conséquences.
- d'autre part, la superposition d'une plaque sur l'autre ou phénomène "d'abduction " fait que des lambeaux de croûte océanique peuvent être transportés sur le continent.

Ces mouvements tectoniques (resserrement des plaques de l'Eurasie, de l'Afrique et de la péninsule arabique ) vont donner naissance aux Alpes.

Entre 110 MA et 65 MA, un fragment se détache de l'Afrique, nommé "Apulie" (future Italie) et entre en collision avec le continent européen. Cette séparation crée un nouvel océan : la Mésogée, qui correspond en partie au bassin occidental de l' actuelle Méditerranée.

Il y a 35 MA : La Paléotéthys et la Téthys n' existent pratiquement plus. La formation des Alpes, des Pyrénées, des montagnes de Grèce et de Yougoslavie est achevée.
La France et l' Espagne sont pratiquement formées. L' Italie n' existe pas encore. La Mésogée se ferme.

Il y a 21 MA : un nouveau fossé d'effondrement (rift) se creuse au large de l' Espagne. Ce sera l'origine des actuels bassins de la Méditerranée occidentale.
La Méditerranée orientale, du fait de la migration de la péninsule arabique vers le nord a perdu toute communication avec l'océan mondial. La subduction de la croûte océanique sous la plaque turco-égéenne a donné naissance à la formation d'une chaîne éruptive volcanique.
L' évaporation de cette mer fermée va entraîner une forte concentration en sels qui vont précipiter sur le fond. D'autre part, une importante érosion des reliefs va s'opérer, ainsi qu'une forte accumulation des sédiments transportés par le Nil.
Du côté occidental, les échanges avec l'Atlantique qui s'élargit progressivement sont possibles. Ils vont fluctuer, selon les mouvements surrectionnels, des reliefs de la chaîne Bétique qui obstrue le passage océanique. L'effondrement du seuil de Gibraltar, rétablit la communication atlantique et permet le remplissage des fosses. Le niveau de la Méditerranée est lié également à celui de l'océan, qui a largement varié au cours des âges géologiques et des périodes de glaciations. Le stockage d' une partie des eaux sous forme de glace dans les régions polaires a entraîné une baisse du niveau. Celui de la Méditerranée a suivi.

Schéma de la remise en eau


Entre 25 MA et 2 MA : c'est l'évolution néogène (période comprenant le miocène et le pliocène ). Ainsi que l'a explicité Jacques Bourcart, l'actuelle Méditerranée est née de la "révolution pliocène ". Elle se superpose à une portion de l' ancienne Téthys. La répartition des mers au Miocène inférieur ( 25 MA ) est très différente de l' actuelle. Elle est plus étendue, allant de la Bavière à l' Atlas. Le détroit de Gibraltar n'existe pas encore.

Au Miocène supérieur, ( 7MA), le dessin des rivages est extrêmement complexe, avec une multitude d' îles, et une tranche d' eau très faible.

A la fin du Miocène ( Messinien, 6 MA-5 MA ), s'amorce un changement fondamental : la Méditerranée telle que nous la connaissons commence à s'individualiser à la suite d'un affaissement généralisé, qui représente une vaste dépression fermée où stagnent des eaux qui déposent d'énormes quantités de sel et de gypses, dont l'épaisseur peut atteindre 1000 mètres. La "révolution pliocène" se caractérise par le découpage de profondes vallées dans les socles anciens, que les eaux envahissent ensuite en rias. En France, les canyons sous-marins qui prolongent les fleuves et les torrents en sont la trace actuelle.

L' évolution Quaternaire (2 MA - Actuel) : l'histoire quaternaire de la Méditerranée est très complexe . Elle associe l'effet de la tectonique alpine et des glaciations (avec des épisodes transgressifs et régressifs). La dernière grande régression (maximum glaciaire würmien : 75000 - 20000 ans) a ramené la mer bien au dessous du niveau actuel, autour de - 100 mètres. La transgression qui a suivi ("flandrienne ") correspond à l'arrivée de faunes atlantiques dites " froides ".
La période quaternaire sert de cadre au développement humain sur les rivages méditerranéens. La découverte en 1991 de la grotte Cosquer ( 27000 - 18000 ans ) dont l'entrée est immergée dans une calanque se comprend aisément en tenant compte de la dernière régression würmienne .

Le bassin occidental, nommé algéro-provençal, a subi une faible évolution. En revanche, l'espace situé entre la micro-plaque corso-sarde et l'Italie poursuit ses mouvements.
Une phase de compression a précédé une distension qui a donné naissance, en mer Tyrrhénienne, à deux bassins profonds présentant une croûte océanique. La plaque océanique de la Mésogée a pratiquement disparu, à l' exception d' une zone qui s' enfonce actuellement sous l' Italie et le Grèce, ce qui explique la présence de volcans actifs comme Santorin ou le Stromboli... Selon le lieu et l'époque, la collision entre l' Afrique et l' Europe provoque encore de nos jours des mouvements de compression, c' est à dire de fermeture, ou de distension, donc d'ouverture.

Nous voyons donc, en plaçant la mer Méditerranée selon une très longue perspective (vers son passé très ancien), qu'elle est le fruit d'une histoire complexe de mers et de terres en mouvement.

Il est désormais possible d'entrevoir, à l'aune des connaissances actuelles, son évolution future : elle va disparaître. Et l'on pourra se rendre à pied d' Europe en Afrique dans environ ... vingt millions d' années.

En attendant, si l'on ne veut pas transformer la mer en une étendue biologiquement morte, il faut élaborer et appliquer des stratégies conciliant l'économie, l'environnement et la géopolitique. La Méditerranée, qui a tant fait pour l' homme, mérite bien qu'on lui accorde toute notre attention. Cette capacité humaine à maîtriser son destin constitue une des clés du bonheur des générations futures.


Christophe GOLFIER

Sources, ouvrages consultés :
Maurice Aubert : La Méditerranée . La Mer et les hommes. les Editions de l' Environnement 1994
Ouvrage collectif ( Institut océanographique Paul Ricard ) : Fragile Méditerranée . Edisud 1995
Fernand Braudel : La Méditerranée. Champs Flammarion 1985
Encyclopédie Universalis: Méditerranée. 2000

 

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Humour.

 

Et si c'était un loft?

La tentation était trop forte, tous les périodiques de ces derniers tempsont sousun angle ou un autre parlé de "loft story", beaucoup en ont même fait leur couverture à des fins mercantiles .Le bulletin de " Crète terre de rencontres " ne s'affiche pas dans les kiosques et peut se permettre de faire l'économie de la première page mais il se laisse gagner par la frénésie lofteuse, il se devait par contre de sortir des sentiers piétinés par la presse traditionnelle, par les médias people qui tentent de répondre globalement à une seule question qui passionne le monde.
Qui veut coucher avec qui et à quelle heure, que fera celui qui restequand l'autre sera parti?
Du coté des crétophiles, en oubliant tout ce que les archéologue et historiens nous ont appris, en portant un regard neuf enrichi par la pauvreté de l'émission française pouvons nous répondre à quelques questions simples.
Le concept du loft peut-il être minoen? Avons nous des traces des lofteurs de l'époque de Minos? S'ils ont existé quelles étaient leurs occupations quotidiennes? Quel lieu de cérémonie leur permettait de communiquer avec l'extérieur? A-t-on des traces écrites?
Les réponses partielles existent sur le site de Cnossos et au musée d'Héraklion.
Un loft est par définition un local industriel aménagé en habitation. Un palais comme Cnossos mélange des entrepôts, des magasins et des pièces d'habitation un peu comme un loft, tout ceci organisé autour d'une architecture complexe comme un labyrinthe destiné à protéger les occupants d'une célébrité envahissante.
Comment ne pas faire l'analogie entre les fresques du Prince aux lys , des dames en bleu et des statues comme la déesse aux serpents avec ces jeunes et beaux garçons et ces belles jeunes filles aux formes généreuses savamment dénudées.
Toute une journée à bronzer sous le soleil crétois ce devait être long alors on proposait des activités ludiques et sportives dérivées du cirque comme le jeu du taureau. Les filles avaient largement le temps de se consacrer à leur coquetterie comme la parisienne.
Une des priorités des organisateur était de faire communiquer les prisonniers volontaires vers le peuple. On les installait individuellement à tour de rôle sur un siège, comme celui du trône d'albâtre du roi Minos, ils pouvaient alors dire du mal des autres. Bien évidemment les moyens audiovisuels n'existant pas, pour passionner la plus grande partie de la population on avait installé plusieurs lofts sur l'île, on en retrouvé quatre pour l'instant Phaistos, Zakros, Malia et Cnossos, on pouvait parler de la Crète des quatre lofts.
De tout ceci reste-t-il des récits, bien évidemment mais comme les minoens étaient peu fiers de leur expérience ils ont écrits dans un langage indécryptable c'est le linéaire B.
Et voilà, en revisitant l'histoire, le palais minoen était peut être un loft alors c'était: loft Kriti.

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Coup de coeur

 
LE DICTIONNAIRE AMOUREUX DE LA GRECE
de Jacques LACARRIERE
Les coups de cœur de Jacques Lacarrière sous forme de dictionnaire ! Un enchantement pour les amoureux de la Grèce !
Jacques Lacarrière présente ainsi son livre dans la préface (extraits) : " ….le titre est clair : Dictionnaire amoureux. Oui, c'est bien l'amour - l'amour des mots, des lieux, des objets, des idées, des images, des chants, des auteurs, des amis, des amies - mortelles, nymphes ou déesses - qui a dicté la sélection des entrées et leur contenu. Au terme de ce périple, je me suis aperçu qu'il recouvrait un champ beaucoup plus étendu que je n'osais l'imaginer, un champ qui - dans le seul domaine de la poésie - allait d'Homère à Séféris et d'orphée à Tsitanis ! Et ce, en rencontrant les hymnes byzantins, les chants populaires de la guerre d'indépendance, les poèmes surréalistes contemporains et les airs de rébétika…… "
" …..Vous y trouverez aussi des entrées très particulières concernant des objets, coutumes, recettes de cuisine, arbres et créatures légendaires…… "

Ce n'est pas un livre qu'on lit gentiment et qu'on range soigneusement au fond de la bibliothèque. C'est un livre excitant - on ne sait plus où donner de la tête, quel mot choisir, en le feuilletant pour la première fois - un livre qui exprime des émotions qu'on avait ressenties, vaguement ou violemment, mais qu'on n'avait pas su exprimer soi même ; un livre qui donne ENVIE, qui m'a donné envie de découvrir les auteurs que je ne connaissais pas, envie de relire l'Odyssée, le " Quatuor d'Alexandrie " et " Cités à la dérive ", une envie irrépressible de revoir Phaistos, et d'y écouter les cigales, assise sur le grand escalier, envie de l'offrir à des amis, en souvenir d'émotions vécues ensemble.
La Crète tient bien sûr une grande place dans ce dictionnaire, entre autre : Dédale, Europe, Katzantzakis, Minotaure, Pasiphaé, Paximadi, Prévélakis (nombreux extraits du Crétois) , et enfin Phaistos dont je ne peux m'empêcher de vous faire découvrir quelques extraits :
" Matin de juillet 1997.
" Devant moi jusqu'à l'infini, l'alignement des vignes et des oliviers. Vent faible venu de la mer proche. je suis entouré d'une procession de souffles frais, comme les battements d'ailes d'un Eros invisible et je sens le temps s'éloigner, s'effacer pour ne plus laisser que la radieuse intensité de cet instant. Autour de moi, sur l'acropole, des chambres ouvertes au ciel, des couloirs éventrés, des entrepôts, des souterrains exhumés au soleil et derrière les gradins d'un versant, le plus vieux théâtre du monde…….. "
" ……..Ici, les dieux sont à deux pas de vos désirs et de vos peurs. On dirait qu'ils n'attendent qu'un cri, qu'un souffle pour apparaître entre les caroubiers et se mêler au vertige de midi. N'est-ce pas pour cela que les hommes les ont créés, pour qu'ils s'ajoutent aux éléments du monde, nous aident à les améliorer ? Pour faire que de la boue et du limon naisse une amphore, de la stéatite une déesse, que sardoines et calcédoines deviennent au cou des femmes un chemin de lumière et que la moindre pierre perde sa pesanteur pour se muer en arche ou en colonne ?……… "

Marie Françoise PINS